Problématique du RSA
1. Réglementation du RSA
Les premiers jalons du RSA ont été posés par la Décision du Conseil du 22 décembre 19891 posant le constat d’un problème d’approvisionnement des territoires ultramarins et la nécessité d’y remédier dans l’objectif du développement des territoires ultramarins (annexe 1).
Le Règlement n°3763/91 du Conseil du 16 décembre 19912 a ensuite précisé la mise en place des mesures. La notion de RSA n’apparaît pas encore, néanmoins les premières mesures sont énoncées : celles-ci portent uniquement sur l’“exonération du prélèvement applicable aux importations de céréales” (annexe 2).
Par le biais du Règlement n°1452/2001 du Conseil du 28 juin 20013, la notion de RSA apparait officiellement. De façon conjointe, le régime étendu aux préparations pour l’alimentation des animaux (annexe 3).
Le Règlement n°20/2002 de la Commission du 28 décembre 20014 fixe les modalités d’application des régimes spécifiques d'approvisionnement. Son article 8 dispose que “l'on entend par “utilisateur final” : lorsqu'il s'agit de produits destinés aux industries de transformation et/ou de conditionnement pour l'alimentation animale ainsi que des produits destinés à être utilisés comme intrants agricoles : l’agriculteur” (annexe 4).
Actuellement en vigueur, le Règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 20135 insiste également sur la nécessité de la répercussion de l’aide RSA sur le producteur local, l’agriculteur : “En plus, afin de réaliser les objectifs dudit régime, les avantages économiques du régime spécifique d'approvisionnement devraient se répercuter sur le niveau des coûts de production et abaisser les prix jusqu'au stade de l'utilisateur final. Il convient, dès lors, d'en subordonner l'octroi à leur répercussion effective et de mettre en œuvre les contrôles nécessaires” (annexe 5).
En somme, depuis les premiers textes issus des années 1990, la philosophie du régime est restée claire et inchangée : il s’agit d’attribuer une aide à l’approvisionnement à certains opérateurs afin de réduire les coûts pour les agriculteurs et les consommateurs finaux.
Aujourd’hui “l’esprit de la loi” est violé en ce qui concerne le RSA :
- Car l’aide RSA n’est pas répercutée sur les prix d’aliments du bétails achetés par les agriculteurs aux provendiers ;
- Car les agriculteurs demandant à bénéficier du RSA et ayant la qualité non seulement d’opérateurs mais aussi d’utilisateurs finaux au sens du texte, se voient refuser l’aide.
2. Notion “d’agriculteur utilisateur final”
Au vu des éléments susmentionnés, la nécessité que l’aide soit correctement répercutée jusqu’à l’utilisateur final fait partie intégrante de la philosophie entourant la création du RSA. En effet, le RSA joue un rôle important dans la préservation des filières d’élevage locales en soutenant leur productivité et leur rentabilité6.
Le RSA doit ainsi faire en sorte que le montant de l’aide soutienne les agriculteurs, et ne participent pas au contraire à l’augmentation des marges des opérateurs, à savoir les provendiers.
En ce sens, les contrôles mis en place par les textes réglementaires doivent permettre “d'éviter que l'aide à l'approvisionnement ne soit captée par les opérateurs par une augmentation de leurs marges et non une baisse de leurs prix de vente”7.
L’utilisateur final est entendu comme “l'agriculteur lorsqu'il s'agit de produits utilisés pour l'alimentation animale ou comme intrants agricoles8.”
Pourtant, il ressort que la répercussion de cet avantage n’est que peu effective et difficile à déterminer, en particulier une fois que le produit a subi une transformation9.
Ainsi, si le principe de répercussion n’est pas contesté, les modalités de son contrôle semblent vagues, en particulier lorsque les États membres sont libres de déterminer leurs propres procédures de contrôle10.
La notion même d’agriculteur utilisateur final est problématique, notion pour laquelle le RSA n’apporte aucune définition spécifique. Ce manque de précision a en effet créé un vide juridique permettant aux provendiers de capter cette aide censée bénéficier aux agriculteurs eux-mêmes.
En conclusion :
La solution aux problématiques soulevées dans cette présentation peut prendre deux formes :
Soit, en passant par la définition de la notion “d’agriculteur utilisateur final”, qui permettrait de verser le RSA directement à ceux censés en bénéficier dans l’esprit des textes réglementaires, à savoir directement les agriculteurs, ou les coopératives d’agriculteurs.
Soit, en instaurant de réels contrôles sur la répercussion de l’aide RSA aux agriculteurs, évitant que les opérateurs, les provendiers, mettent en place des marges excessives, ce qui est également une position défendue dans plusieurs rapports et documents réglementaires cités dans cette présentation. La commission chargée de cette évaluation de la répercussion et du contrôle doit être paritaire avec les agriculteurs et les opérateurs, afin de permettre une plus grande transparence, d’apaiser la tension, et d’augmenter la confiance des différentes parties.
1 Décision du Conseil du 22 décembre 1989 (89/687/CEE) instituant un programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements français d'outre-mer (Poséidom).
2 Règlement (CEE) n°3763/91 du Conseil du 16 décembre 1991 portant mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des départements français d'outre-mer.
3 Règlement (CEE) n°1452/2001 du Conseil du 28 juin 2001 portant mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des départements français d'outre-mer, modifiant la directive 72/462/CEE et abrogeant les règlements (CEE) no 525/77 et (CEE) no 3763/91 (Poséidom).
4 Règlement (CEE) n°20/2002 de la Commission du 28 décembre 2001 portant modalités d'application des régimes spécifiques d'approvisionnement des régions ultrapériphériques établis par les règlements (CE) n°1452/2001, (CE) n°1453/2001 et (CE) n°1454/2001 du Conseil.
5 Règlement (UE) n°228/2013 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2013.
6 Commission Européenne (2010). Premier rapport sur les incidences de la réforme du régime POSEI de 2006.
7 “Mise en œuvre du Régime spécifique d’approvisionnement (RSA)”, CGAAER, 2017, rapport n°16 053.
8 Règlement (UE) n°228/2013 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2013, article 13.
9 Étude de la commission Européenne de 2010 sur les incidences de la réforme du régime POSEI de 2006.
10 “Mise en œuvre du Régime spécifique d’approvisionnement (RSA)”, CGAAER, 2017, rapport n°16 053.
Annexes
Annexe 1
Décision du Conseil du 22 décembre 1989 (89/687/CEE) instituant un programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements français d'outre-mer (Poséidom).
“Considérant que la situation géographique exceptionnelle des départements d'outre-mer par rapport aux sources d'approvisionnement de produits en amont de certains secteurs de l’alimentation, essentiels à la consommation courante, impose à ces régions des charges qui handicapent lourdement ces secteurs ; qu'il serait nécessaire d'y permettre une meilleure couverture de leurs besoins en produits agricoles et alimentaires par la production locale, particulièrement en ce qui concerne l'élevage où le coût du produit final comporte une part importante d’intrants ; qu'il y a lieu en conséquence de pallier ce handicap par des mesures appropriées.”
Annexe 2
Règlement (CEE) n°3763/91 du Conseil du 16 décembre 1991 portant mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des départements français d'outre-mer.
“Article 2.
3. […] l'approvisionnement des DOM est réalisé par la mobilisation, à des conditions équivalentes, pour l'utilisateur final, de céréales communautaires détenues en stocks publics en application de mesures d'intervention et, le cas échéant, de céréales disponibles sur le marché de la Communauté. […]
4. Le bénéfice des mesures prévues aux paragraphes 2 et 3 est subordonné à une répercussion effective de l'avantage octroyé jusqu'à l'utilisateur final.”
Annexe 3
Règlement (CEE) n°1452/2001 du Conseil du 28 juin 2001 portant mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des départements français d'outre-mer, modifiant la directive 72/462/CEE et abrogeant les règlements (CEE) no 525/77 et (CEE) no 3763/91 (Poséidom).
“Article 2.
1. Il est institué un régime spécifique d’approvisionnement pour les produits agricoles énumérés à l'annexe I, essentiels dans les DOM à la consommation humaine, à la transformation, et en tant qu'intrants agricoles.
4. Le bénéfice du régime spécifique d'approvisionnement est subordonné à une répercussion effective jusqu'à l'utilisateur final de l'avantage économique résultant de l'exonération du droit à l'importation ou de l'aide en cas d'approvisionnement à partir du reste de la Communauté.”
Annexe 4
Règlement (CEE) n° 20/2002 de la Commission du 28 décembre 2001 portant modalités d'application des régimes spécifiques d'approvisionnement des régions ultrapériphériques établis par les règlements (CE) n°1452/2001, (CE) n°1453/2001 et (CE) n°1454/2001 du Conseil.
“Article 8.
2. Aux fins de l'application du règlement (CE) no 1452/2001, on entend par « utilisateur final » : lorsqu'il s'agit de produits destinés aux industries de transformation et/ou de conditionnement pour l'alimentation animale ainsi que des produits destinés à être utilisés comme intrants agricoles : l’agriculteur.”
Annexe 5
Règlement (UE) n°228/2013 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2013.
“(12) Les exigences du suivi des opérations qui bénéficient du régime spécifique d'approvisionnement imposent des contrôles administratifs aux produits concernés lors de leur importation ou de leur introduction dans les régions ultrapériphériques ainsi que lors de leur exportation ou de leur expédition à partir de celles-ci. En plus, afin de réaliser les objectifs dudit régime, les avantages économiques du régime spécifique d'approvisionnement devraient se répercuter sur le niveau des coûts de production et abaisser les prix jusqu'au stade de l'utilisateur final. Il convient, dès lors, d'en subordonner l'octroi à leur répercussion effective et de mettre en œuvre les contrôles nécessaires.”